Justin avait toujours aimé la chasse. Tout petit déjà, lorsque son père l'emmenait avec lui lors de ses longs voyages en quête de cuir, chassant daims et cerfs, il aimait à pister les animaux, et fabriquait les flèches qu'utilisait son père. Dans son enfantine innocence, il lui semblait que tout devrait durer ainsi pour l'éternité. Mais c'est pendant ce qu'il nommera ensuite dans ses souvenirs "le jour de l'ours" que le destin lui prouva qu'il en avait décidé autrement. Ils étaient déjà chargés, la chasse avait été fructueuse ce jour là, et ils savaient que ce n'était pas sérieux de continuer à forcer la chance ainsi. Mais ils voulaient quand même faire une dernière prise avant d'entamer le long voyage du retour. Hélas, ils n'étaient pas les seuls à poursuivre cette piste, et ils tombèrent nez à nez devant un grizzly qui venait d'entamer son repas, et dont le grognement sourd n'était pas une invitation amicale à le partager. Son père dégaina son arc, mais ralenti par toutes les peaux qu'il portait, fut pris de vitesse par l'énorme ours qui lui arracha son arme des mains d'un puissant coup de patte. Alors quand son père lui dit de fuir, Justin sut que c'était le dernier mot qu'il ne dirait jamais. Il couru, couru à perdre haleine, longtemps après que se soient tus les hurlements de son père. Combien d'heures, combien de jours resta-t-il prostré dans cet arbre creux, ignorant la faim et la douleur pour mieux ruminer sa rage et son impuissance ? Il est incapable de s'en souvenir, mais une éternité parue passer avant qu'une voix placide ne le tire de son état second. "Et bien mon petit, que fais-tu ici ? Ce n'est pas une place pour un enfant de l'homme." Il leva les yeux pour découvrir celui qui lui avait parlé. Un homme vêtu d'un toile grise de mauvaise facture, de sandalettes usées et d'un vieux chapeau de mage défraichi s'était accroupi en prenant appui sur un grand baton droit pour porter près de lui son visage mal rasé qui n'avait pas du souvent connaitre le savon... L'étranger lui tendit la main : "Lève toi, il te faut retourner parmi les hommes maintenant. Je crois que tu as appris quelque chose que tu pourrais leur apprendre à ton tour." "Quoi donc ?" répondit-il rageusement "Que la vie est injuste et cruelle ?" "Non, que la vie se charge, en toute circonstance, de conserver l'équilibre." "De quoi parles-tu, vieil homme ? Je viens de perdre mon père !" "Et pourquoi l'as-tu perdu ?" "Par la faute d'un maudit ours que je traquerais sans relache jusqu'à la fin de mes jours !" "Non, tu te trompes encore. Tu l'as perdu parce que vous aviez chassé plus que votre du, et que l'équilibre, menacé, devait être retrouvé. Tu devrais remercier cet ours." "Es-tu fou vieil homme ? J'éradiquerais cette sale race !" "Modère ta fougue et médite mes propos. Calme en toi le feu de la colère ou, en digne fils de ton père, meurs comme lui..." Justin s'apprêtait à répondre de manière cinglante à ce vieux fêlé mais il avait soudainement disparu comme il était apparu... Alors Justin grandi, travaillant sans relache pour préparer sa vengeance. Bientot ses qualités d'archers furent reconnues pour tous les gens du village, et il menait souvent des groupes de jeunes gens décidés à combattre les créatures qui s'égaraient parfois dans le pays, dévorant les troupeaux comme leurs bergers.Puis un matin, tout le monde disparu... C'est dans un monde vide qu'il du fuir ce qu'il chassait autrefois, maintenant en surnombre, et un soir, dans une maison vide et inconnue, il se souvint de l'étrange vieil homme, et dut reconnaitre qu'il y avait du vrai dans ses propos : l'équilibre devait être respecté, le cataclysme était bien la preuve de ce qu'on risquait dans le cas contraire. Alors il se leva, et tendant sa main par dessus son modeste feu de camp, il déclara d'une fois forte "Je jure de traquer, chasser et détruire ce qui en surnombre nuit à l'équilibre. Ainsi père, tu seras pas mort en vain !" Et pour la première fois depuis "le jour de l'ours", il dormit d'un sommeil profond et réparateur... Suite à d'habiles négociations, Justin a su se faire donner par les mains du Seigneur de l'Ordre un Ordre de Mission pour budgeter, embaucher et réaliser un projet cher à ses troupes. Ayant également obtenu l'autorisation de fonder une guilde de marchands, Justin se vit renommer : le marchand. |