Tout ce dont je me souviens, c’est d’avoir été Charpentier. Je
me souviens de mon atelier, la douce odeur des pins taillés en planches
fines et égales. Le rabot à la main, en train de mesurer une saillie que je
venais de faire. Parfaite, la porte de la bibliothèque était à sa phase
finale. Il ne manquait plus qu’une couche de vernis. Je rangeais mes
ustensiles, ramassais les clous tombés à terre. J’ai toujours été
économe et je ne gaspillais jamais. Je me souviens de ma femme, une douce
femme rousse aux hanches généreuses au doux nom de … de …., non
cela je ne m’en souviens pas. Je me souviens de cette lumière dans mon
jardin, une lumière bleue. Je me souviens d’un étrange halo bleu
ondoyant se tenant au centre du cercle de pierre de mon jardin japonais.
Japonais, je connais ce nom mais ne me souviens plus de sa signification.
J’avance vers le halo comme attiré par une force étrange. VROUM, un
bruit me déconcentre, un véhicule vient de griller le feu, arf, les
imbéciles de chauffards. Un grondement, j’attends le prochain fou au
volant de son bolide… il ne vient pas … le grondement
s’intensifie…sourd, presque imperceptible, le halo
s’agite. Le bruit vient de lui… une voix, lointaine, très
lointaine… « Viens, viens… »
- Mais qui êtes-vous ? criais-je - Viens, viens, tu es en danger …. - En danger, mais quel danger ? - Viens, viens… » Je ne contrôle plus mes pieds… une lumière éblouissante, un champignon de poussière géant apparaît à l’horizon et s’élève dans les airs, il est énorme… je ne vois plus rien, je suis entré dans le halo bleu. Je me souviens du noir, de l’obscurité abyssale. Je me souviens de mon réveil. Mais plus rien, rien… Je erre pendant des jours dans un lieu qui m’est inconnu, personne, je ne croise personne. Des vêtements bizarres que je n’ai pas l’habitude de porter, un lieu étrange, et ma mémoire entièrement vide. Me voilà bien. Je trouve une vieille hache dans une cabane abandonné, un rabot rouillé, une scie, marteau et clous. Je sais m’en servir, je le sens. N’ayant pas d’autre choix, ignorant ou je suis, qui je suis, je me mets au travail, taille les arbres, coupe des planches et construis des meubles, des chaises, des caisses et autres. Je m’occupe l’esprit. Un collier à mon coup est gravé du nom « Drakan ». Mon nom ? je ne sais pas mais je décide que oui. Les jours passent et se ressemblent, je construis, plus pour m’occuper et attend. L’endroit paraît tranquille, c’est une île. Mais les animaux sauvages de l’extérieur paraissent bien dangereux. J’arrive à me nourrir de plantes et de lapins. L’ennui me pèse si seulement quelqu’un pouvait passer… rien qu’un instant … je rêve toutes les nuits d'un autre monde, d'un monde de lumière, de bruit et de fumée. Je sais que cela est plus qu'un rêve, je me demande si je ne deviens pas fou, mais ces rêves sont mes seuls souvenirs.... |